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Paris ridicule et burlesque au XVIIe siècle, 1859

Claude Le Petit, La Chronique scandaleuse ou Paris ridicule (1) (2)



(1)
Cette strophe ne figure pas dans l'édition de 1668 ; mais suivant le sieur de Blainville, qui a réimprimé le Paris ridicule en 1713, elle serait la première du poëme dans le véritable manuscrit de l'auteur, et elle se trouve écrite à la main dans un exemplaire de l'édition de 1668, provenant du duc de la Vallière. (Bibl. De l'Arsen.). Au reste, la réimpression de 1713 ne contient que cette seule strophe qui ne soit pas dans l'édition de1668, laquelle offre en revanche trente-trois strophes que n'a pas données l'éditeur de 1715. Cette strophe nous paraît donc appartenir à Claude Le Petit, et nous n'avons pas hésité à la réintégrer ici, quoique les derniers vers paraissent, altérés, dans la LXXXIXe strophe de notre édition.

(2) Allusion au poëme de Rome ridicule, Caprice du sieur de Saint-Amant, publié d'abord sous le manteau, format in-4° et in-12, mais réimprimé ensuite dans les poésies de l'auteur.

(3) Pour : à droite, en vieux langage.

(4) Les partisans, maltotiers et gens de loi. (De Bl.)

(5) Le roi, les ministres et autres grands seigneurs. (De Bl.)

(6) C'est-à-dire: ou bien que le diable te fasse sentir sa griffe !

(7) Nous croyons que ces trois derniers vers, évidemment altérés par le Copiste, pourraient être rétablis ainsi
Fais que je puisse un peu baver
Sur celle dont l'effronterie
Ose même les dieux braver.


(8) L'exemple de Claude Le Petit, qui pour son malheur imita Saint-Amant, fut suivi par quelques autres poëtes, plus prudents que lui, car ils ne se firent pas connaître, en composant Amsterdam ridicule, sous le titre de Description de la ville d'Amsterdam en vers burlesques, par Pierre le Jolle (Amst., 1666, in-12) ; Madrid ridicule, attribué au sieur de Blainville, etc.

(9) L'abbé de Marolles, dans sa Description de Paris en quatrains, n'a pas oublié le Louvre, et, par extraordinaire, il en a fait un, peinture qui mérite d'être mise en présence de celle du Paris ridicule, ne serait-ce que comme contraste.

Le Louvre, dans Paris, est une ville entiere :
C'est un grand bastiment pour le logis du Roy,
Qui demeure imparfait je ne sçay pas pourquoy.
Car le Roy peut tout faire, en diverse maniere.

Cet auguste Palais a son architecture
D'ordre corinthien du bas jusques en haut ;
Il seroit mal aisé d'en dire aucun defaut,
Sans sçavoir le dessein d'une telle structure.

Par un long Promenoir, il joint les Tuileries,
Autre palais pompeux qui n'est pas achevé,
Dans la façade où regnoit un pavé.
Devant ce grand chasteau le long des ecuries.

Aujourd'huy tout est pris avec le grand espace
Qui fait avec le reste un jardin spacieux,
Où l'on voit des jets d'eau qui sont prodigieux,
Des parterres de fleurs contre mainte terrace.

Une autre Galerie egale à la premiere,
D'une longueur extreme, enfermera partout
Plusieurs cours et chasteaux, de l'un à l'autre bout,
Sans le Jardin royal dans son idée entiere.


(10) Lorsque Claude Le Petit composa son Paris ridicule, le Louvre présentait un pêle-mêle confus de bâtiments de toutes les époques ; on y voyait une grosse tour de Philippe-Auguste et plusieurs vieilles tours du manoir de Charles V, à côté du palais magnifique commenté, sous François Ier et Henri II, d'après les plans de Pierre Lescot ; continué par Androuet Du Cerceau et par Dupérac, architectes de Charles IX et de Henri IV, et augmenté par Jacques Le Mercier pendant le règne de Louis XIII. Mais aucun travail d'ensemble n'avait été fait encore, quoique projeté plusieurs fois, pour mettre d'accord entre elles toutes les parties du Louvre qui devaient être conservées. C'est dans les dessins d'Israel Silvestre qu'il faut voir l'aspect du Louvre en 1660. Mais nous ne pouvons mieux faire que de renvoyer le lecteur au Catalogue raisonné de toutes les estampes qui forment l'œuvre d'Israel Silvestre, par M. L. E. Faucheux (Paris, 1837, in-8).

(11) On voit, en effet, dans les estampes gravées par Perelle d'après les dessins de Silvestre, d'anciennes murailles couvertes de mousse et de lierre.

(12) Voy. l'estampe d'Israel Silvestre, intitulée : « Veue et perspective de la Galerie du Louvre, dans laquelle les Portraus (sic) des Roys, des Reynes et des plus illustres du Royaume ». M. Faucheux dit, en décrivant cette pièce dans son Catalogue : « Cette vue a été prise avant que la Galerie fût brûlée, ce qui arriva en 1661 ; elle fut rebâtie depuis sous le nom de Galerie d'Apollon. »

(13) Les six strophes précédentes manquent dans la réimpression de 1713.

 

I (1)
Jadis Saint-Amant, par caprice,
Mit Rome en son plus vilain jour (2) :
J'en veux à Paris, à mon tour :
Muse, ne fais point la novice ;
Mettons-nous dans un bon endroit
Ouvrons les yeux, à gauche, à droit (3) :
Que tout passe par l'étamine !
N'épargnons ni places ni lieux,
N'épargnons palais ni cuisine,
N'épargnons ni Diables (4) ni Dieux (5).


II
Loin d'icy, Muse serieuse,
Va-t'en chercher quelqu'autre employ !
Je n'ay aucun besoin de toy,
Tu ne peux m'estre que fâcheuse
Va-t'en, je seray satisfait !
En deux mots, tu n'es pas mon fait.
J'en veux quelqu'autre qui m'inspire
De quoy contenter mon desir,
Et par une bonne satyre
Estriller Paris à plaisir.


III
Va, dis-je, ou le diable te grate (6) !
Car je ne veux pas faire un vers
Sur tant de beaux sujets divers,
Que pour m'épanouïr la rate :
Je ne veux faire des placards,
Que pour les remplir de brocards ;
Qu'on rie ou jure, il ne m'importe ;
Qu'on n'y veuille pas consentir,
Je feray toujours de la sorte,
Quand je voudray me divertir.



IV

Viens donc à moy, Muse berneuse,
Non pas d'avoir chié sous toy,
Car je ne voudrois pas, ma foy,
Avoir pour guide une breneuse
Mais, toy, qui sçais l'art d'abbaisser
Tous les plus fiers, et les gausser,
Par un trait de ta raillerie;
Fais que je puisse un peu berner
Celle qui a l'effronterie
D'oser même les Dieux braver (7).



V
Montrons que, si bien qu'on calcule,
On ne verra point sous les cieux
Aucun de tous les plus beaux lieux,
Que nous ne rendions ridicule (8).
De grâce, faisons un peu voir
Jusques où va nostre pouvoir,
Quand une fois on nous irrite :
Faisons enfin connoistre à tous
Que l'homme du plus grand merite
N'oseroit s'adresser à nous.



VI
Bernons cette vieille bicoque,
D'un vif et d'un picquant pinceau
Voyons tout ce qu'elle a de beau,
Affin qu'avec toy je m'en mocque.
N 'espargnons point ce beau Paris
Je m'en gauberge et je m'en ris,
Je raille tout ce qu'il peut faire,
Et, s'il ne perd de son credit,
Dy hardiment, Muse severe,
Que c'est un sot qui te l'a dit?



VII
Le Louvre (9)
Vois, Muse, comme il nous decouvre,
Pensant noirs éblouïr les yeux,
Ce grand bastiment neuf et vieux,
Qu'on appelle aujourd'huy le Louvre (10) ?
Vois-en les murs si mal rangez,
Par l'antiquité tous rongez (11) ?
Ces chambres, cette Galerie (12) ?
C'est là que dame Volupté
Fait une infame fripperie
Des juppes de grand'qualité (13).

     

 





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